3 Pour une rĂ©colte Ă lâautomne. Câest la pĂ©riode idĂ©ale pour cultiver le poireau car les tempĂ©ratures permettent une culture en extĂ©rieure. Semis en pĂ©piniĂšre ou sous abri de mars Ă mai. Ăclaircir dĂšs la levĂ©e puis autant de fois quâil est nĂ©cessaire pour que les poireaux aient la place de se dĂ©velopper. Lorsque les plants
Sur la route, aux environs de Cuzco au PeÌrou, jâaperçois aÌ travers les nuages une sorte de temple percheÌ sur le flanc de la montagne. Ce nâest pas un temple. Câest un grenier inca. InstalleÌ aÌ la bonne altitude, de manieÌre aÌ eÌtre exposeÌ aux grands vents, ouÌ la circulation dâair est constante, lâendroit est ideÌal pour conserver les denreÌes entre les reÌcoltes, et meÌme pendant des anneÌes. Il nây a pas aÌ dire, les Incas avaient beau eÌtre doueÌs en architecture, ils avaient incontestablement le pouce vert et maiÌtrisaient lâart du zeÌro deÌchet bien avant lâinvention du constat en arrivant au site archeÌologique de Moray, ouÌ se situent les fameuses terrasses aux allures dâamphitheÌaÌtre, ouÌ les Incas faisaient des expeÌriences agricoles. AÌ 3 500 meÌtres dâaltitude, ils y testaient la culture de diverses plantes sur des surfaces sâeÌtalant sur diffeÌrents niveaux. En effet, chaque palier mesure de deux aÌ trois meÌtres de haut et suit lâinclinaison naturelle de la montagne. Des pierres emboiÌteÌes sont installeÌes au bout de chaque palier, de manieÌre aÌ les maintenir en place, mais aussi aÌ retenir la chaleur des rayons du Soleil pendant le jour, afin de la diffuser dans la terre pendant les nuits fraiÌches. Tout un systeÌme dâirrigation a aussi eÌteÌ penseÌ et conçu pour irriguer convenablement chaque aÌ un jet de pierre de cet endroit embleÌmatique de la culture agricole inca quâest installeÌ Mater Iniciativa, le centre de recherche du chef Virgilio Martinez et de son extraordinaire eÌquipe. Celui que nous avons deÌcouvert dans lâeÌpique seÌrie documentaire Chefâs Table sur Netflix a entrepris son projet de recherche aÌ Lima, en lien avec son restaurant Central, nommeÌ 6e meilleur restaurant au monde, selon le palmareÌs de The Worldâs 50 Best Restaurants en 2018. De fait, chaque moment service de son menu deÌgustation met en vedette les aliments, plantes et fleurs qui poussent aÌ une certaine altitude au PeÌrou. Son eÌquipe explore tous les eÌcosysteÌmes, de la jungle amazonienne aÌ la puna glaciale, pour documenter les espeÌces du pays, leur utilisation meÌdicinale ou culinaire et toutes les traditions qui les entourent. En collaboration avec les peuples autochtones qui vivent aÌ meÌme ces eÌcosysteÌmes, ils prennent aussi le temps de tisser des liens honneÌtes et respectueux avec laboratoire de Moray, lâeÌquipe sâinteÌresse speÌcifiquement aux espeÌces de la reÌgion qui figurent dâailleurs au menu du restaurant MIL, dans le meÌme espace. Câest donc dans la petite maison de terre au toit en chaume que tout prend forme et que les espeÌces ancestrales reviennent aÌ la vie, par lâentremise du savoir-faire des anciens vivants dans les deux communauteÌs lâentreÌe, des dizaines de plantes sont eÌpingleÌes sur des cordes, en train de seÌcher, avant dâeÌtre apposeÌes dans un magnifique herbier. Au-delaÌ de lâidentification des plantes, les membres des communauteÌs de Mullakâas-Misminay et Kacllaraccay aident aussi aux semences, aÌ la culture et aux reÌcoltes des plantes. Ils sont donc payeÌs pour travailler la terre avec leurs preÌcieuses connaissances transmises de geÌneÌration en geÌneÌration. Par exemple, ils utilisent diffeÌrentes solutions aÌ base de plantes et de piments forts pour eÌloigner les insectes nuisibles au lieu dâutiliser des intrants chimiques. Ils peuvent ensuite garder 50 % des reÌcoltes pour leurs propres besoins. Le reste se retrouve sur la carte du MIL et du Central, puisquâils ont un moment service dans leur menu deÌgustation consacreÌ aÌ lâenvironnement de avant que cette collaboration ne voie le jour, il a fallu du temps pour gagner la confiance des membres de la communauteÌ et leur faire comprendre la vision de Mater Iniciativa. Au deÌpart, ils eÌtaient un peu inquiets de nous transmettre leurs connaissances, parce que nous sommes dans leur environnement, ajoute MariÌa PiÌa Uriarte. Nous sommes des touristes ici, meÌme si nous sommes peÌruviens. Cela nous remplit donc de joie quand nous gagnons la confiance de quelquâun dans la communauteÌ. »Ce lien de confiance sâest notamment tisseÌ graÌce au travail minutieux de lâanthropologue Francesco DâAngelo, qui sâest rendu dans les villages pour expliquer comment Mater Iniciativa pouvait contribuer au bien de tous. Jâai fait un travail de terrain pendant un mois avant dâinclure les communauteÌs dans le projet, preÌcise-t-il. La reÌciprociteÌ et la redistribution sont au cĆur des pratiques les plus importantes dans ces exemple, le partage des repas, des taÌches de travail et aussi, de la chicha de jora bieÌre de maiÌs est ancreÌ dans leur quotidien. Pendant le jour, les femmes preÌparent la chicha et les repas, alors que les hommes travaillent au champ. Mais aÌ la fin de la journeÌe, tout le monde se retrouve pour danser et ceÌleÌbrer le fait dâavoir tous travailleÌ ensemble. » Or, apreÌs chaque journeÌe de travail, un verre de chicha de jora est offert aÌ tout le monde chez Mater Iniciativa, afin de maintenir la tradition du travailler ensemble ».Câest aussi une façon toute simple de remercier les membres des communauteÌs dâeÌtre venus travailler dans leurs champs. Contrairement aux organismes non gouvernementaux ONG, nous ne faisons pas la chariteÌ, ni de dons, insiste Francesco DâAngelo. Ces gens ne travaillent pas pour nous, ils travaillent avec nous. Câest une pratique habituelle pour ces communauteÌs de baÌtir une relation sociale entre eux. Mais câest aussi une pratique qui est en train de se perdre. » Dans certains villages, depuis que les tisseuses ont commenceÌ aÌ gagner beaucoup dâargent en vendant leurs creÌations aux touristes, le troc se fait de plus en plus rare. Elles nâont plus le temps de partager du temps, justement. Câest correct aussi, parce quâelles ont besoin dâargent, ajoute Francesco DâAngelo. Mais, câest bien de voir que certaines communauteÌs maintiennent cette façon de faire, malgreÌ tout. Puis, nous beÌneÌficions aÌ notre tour de leurs connaissances et de leur aide preÌcieuse. Nous apprenons aussi comment partager nos apprentissages et nos observations avec des gens qui ne comprennent pas comment fonctionne une communauteÌ paysanne. » Une notion si simple, mais qui tend aÌ se perdre dans lâoubli, ici comme plus dâinclure les communauteÌs dans les champs, il y a toujours deux postes de disponibles dans la salle aÌ manger et en cuisine chez MIL. Nous ne voulons pas quâune seule personne en beÌneÌficie, preÌcise MariÌa PiÌa Uriarte. Chaque communauteÌ vient pendant un mois et apreÌs, câest au tour de la communauteÌ voisine. Câest treÌs inteÌressant, parce quâelles nous renseignent aussi aÌ propos des techniques de cuisson traditionnelle et de certains ingreÌdients. Par exemple, un de nos desserts comprend des pommes de terre deÌshydrateÌes par le froid chunÌo blanc. »AÌ propos du partage de connaissances, Virgilio Martinez insiste pour que les reÌsultats de leurs expeÌrimentations soient accessibles aÌ tous. Ce faisant, ces preÌcieuses informations sont inscrites sur les murs de verre du laboratoire, comme les recettes de toutes leurs fermentations. Autour du jardin inteÌrieur, il y a dâailleurs plusieurs bouteilles contenant diverses plantes et autres denreÌes, notamment de petits poissons en pleine transformation. Mais qui dit altitude, dit adaptation des recettes, surtout quand lâactiviteÌ des micro-organismes est impliqueÌe. Toutes les recettes provenant de Lima doivent eÌtre ajusteÌes aÌ cause de lâaltitude », explique Diego Malhue RamiÌrez, codirecteur des opeÌrations et roi de la fermentation. Par exemple, cela prend deux fois plus de temps pour fermenter des aliments ou des boissons. Il faut aussi ajouter deux fois plus de sucre pour obtenir le meÌme reÌsultat quâau niveau de la mer, sinon il nây a pas de bulles. »Originaire du Chili, Diego Malhue RamiÌrez a eÌtudieÌ en gestion des affaires, apreÌs quoi il a travailleÌ en tant que cuisinier aux EÌtats-Unis et en Europe. Puis, arriveÌ au PeÌrou, il a fait appel aÌ ses connaissances en finance pour le bien de son poste aÌ Mater ailleurs, il sâoccupe aussi du bar de MIL, ouÌ il prend un malin plaisir aÌ utiliser ses fermentations pour allonger les cocktails de la maison. Le simple fait dâeÌtre ici, isoleÌ, me permet dâapprofondir mes connaissances, confie-t-il. Puisquâon manque parfois dâeÌlectriciteÌ et que lâinternet ne fonctionne pas toujours, je lis beaucoup plus quâavant et jâapprends diffeÌremment. La communauteÌ mâa aussi appris aÌ eÌtre plus patient. Il faut laisser la nature faire son travail. AÌ ce sujet, je crois que Mater Iniciativa mâa surtout permis de me reconnecter avec la nature. »La nature, cet espace si vaste, plus grand que nous, essaie souvent de nous ramener aÌ elle, de nous rappeler dâouÌ nous venons, qui nous sommes, et vers ouÌ aller. Au fil des eÌpoques, les temps changent, pas toujours de la bonne façon ni pour les bonnes raisons. Lâexploit de Mater Iniciativa est sans doute une merveilleuse exception qui confirme la reÌgle. Dâune certaine façon, nous voulons faire changer les choses, notamment la perception de nos voisins envers nous, mais aussi la façon dont les gens des grandes villes comme Lima perçoivent les paysans ou les membres des communauteÌs autochtones », conclut Francesco DâAngelo.